Webzine Guts Of Darkness-- MAI 2009
LIZA N'ELIAZ :
Liza N'Eliaz Chronique réalisée par dariev stands
Les anthologies Uncivilized World, c’est un peu comme les compils Soul Jazz : souvent parfait et exhaustif, à chaque fois indispensable pour qui s’intéresse au style couvert. Soyez surs que j’en parlerais le plus possible… Uncivilized World, donc, explore la techno pure et dure, que ce soit par le versant américain ou européen, comme ici avec Liza N’Eliaz, dont tous les morceaux jamais réalisés sont compilés ici. Tout y est, même les cultes featurings avec Dj Dano (le fameux tube de rave Energy Boost) ou Laurent Hô (CTRL 3, boucherie précise et infatigable).
Pas tellement de secret : la musique de Liza N’Eliaz, tout comme celle de Manu Le Malin, vous choppe dans un coin et vous bourrine comme il se doit, sans discontinuer, façon 32 hit combo (gardez le cd 3 pour la surprise de la fin, cela dit). On peut y voir une intense beauté après quelques écoutes, tout comme on peut y rester complètement hermétique, mais une chose est sûre : personne n’aura l’idée de laisser tourner cette musique en fond pour avoir l’air cool en faisant autre chose… Ce qui frappe ici, c’est la variété et l’incroyable richesse de mélodies et de sons du style Liza N’Eliaz. Ceux qui voient le hardcore comme un genre nihiliste et monomaniaque seront déstabilisés : ici forniquent joyeusement frissons jungle, samples délirants, panique breakbeat, et giclées d’acid incontrôlées. Chacun des 3 cds renferme son tour de force de 10 minutes… Loopera, celui du cd 1, s’enfonce dans une Jungle mâtinée de samples confus que n’aurait pas reniée Aaron Funk. A Track, sur le cd 2, l’aurait plutôt séduit par son ambiance malsaine et éprouvante pour les nerfs, qui rappelle que la techno hardcore, c’est aussi une perte d’innocence brutale et sans retour. Une innocence encore belle et bien présente sur TV Waves, le morceau de bravoure qui clôt le cd3 ainsi que la compil, où la joie de vivre un peu primitive qui anime la techno (et la techno-pop, qui existait avant cette dernière) explose au grand jour. La voix sous hélium de Liza a du chien, incontestablement. On pense aux gimmicks favoris de Prodigy (sur certaines track du cd 2 particulièrement), ici lâchés dans un canevas ultra serré comme des super-balles rebondissant sur les murs en béton armé. On l’entendra beaucoup plus sur le génial 3ème CD, cadeau ultime après cette avalanche de perles hardcore et hard-tech (hardtek comme disent les punkach’). Il regroupe tous les travaux "non-hardcore" de Liza, ce qui inclue aussi bien le génial EP bleep techno chroniqué ici-bas que les hallucinants caprices synth-pop qui défilent à partir de Blue & Red City. C’est kitsch, 80’s à mort, mais surtout complètement fou (Y’a des Nuages, mon dieu !) et foisonnant de basses slappées über-funky ! Beaucoup n’ont du y voire qu’un délire anodin : grossière erreur, au vu de l’aspect très travaillé de ces morceaux. Décrire un ovni pareil relève de l’impossible, mais disons qu’on pourrait penser à un Mr Bungle période California défoncé à l’hélium en permanence qui aurait fait son affaire à Duran Duran sur une plage belge… Où à une Grace Jones à l’envers : petite, blanche, toute seule aux commandes dans son minuscule studio mal chauffé, et à la voix de souris. Pour le reste, c’est du grand carnage sans temps mort, ultra varié et catchy pour le genre, dont Liza N’Eliaz est la rolls royce. Le hardcore, dans sa dynamique, obéit exactement à la même dictature du tempo que le black metal : c’est un jeu de montées d’adrénalines et de breaks imposants, trous noirs de calme avant la tempête qui ne servent qu’à mieux ménager un gros rush de roulements de batterie ou de bpm saturés 3 secondes plus tard… L’auditeur un tant soi peu accoutumé au genre saura exactement à quel moment guetter l’accalmie, et à quel moment s’attendre à un emballement censé lui retourner la tête, comme dans un bon vieux rollercoaster qu’on referait des dizaines de fois, inlassablement grisé par un mécanisme vieux comme le monde. On touche ici au noyau dur de cette musique (qui ne s’appelle pas "noyau dur" pour rien), un va et vient violent aux antipodes du swing ou du groove des musiques noires, rappelant qu’il s’agit de son avant d’être de la musique, de sensations physiques avant d’être auditives, de transe immédiate avant la moindre mémorisation. Prenez In The Nightside Eclipse, de Emperor, par exemple : il répond exactement aux mêmes fulgurances, aux mêmes tables de la loi. C’est une musique qui se passe de tout commentaire, de toute réflexion, offrant à celui qui s’y abandonne un oubli total du monde extérieur et une concentration de l’attention toute entière sur ce qui sort des écouteurs.