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lapin · Administrateur

09-01-12 00:23:54

11-07-11 · 13 872

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Arte Tracks - Gros son chez Toutânkhamon - Electro Chaabi


Un reportage de Hind Meddeb



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Il y a trois ans, telle la cavalerie, l'électro chaabi sonnait l'appel à la révolution. Rave party sur le Nil !


Perchée au dernier étage des Nile City Towers, tours jumelles de vingt-cinq étages, la jeunesse dorée égyptienne se la coule douce. Au club Tamaraï, les clients claquent l'équivalent d'un mois de salaire moyen égyptien entre deux whisky coca.

À quelques kilomètres de là, pas besoin d'avoir un portefeuille bien garni pour danser. À Saida Zeineb, le quartier historique du Caire, la jeunesse des classes populaires revit l'âge d'or des raves parties.

DJ Weeza
Pionnier de l'électro chaabi, "l'éléctro populaire" en VF, il customise depuis trois ans la musique traditionnelle chaabi à coup de BPM fracassants et de freestyles scandés par les rappeurs du quartier.

DJ Weeza fait partie de ces millions d'Egyptiens laissés sur le bas-côté sous le régime du président Moubarak. Il a grandi dans l'un des soixante-dix-neuf quartiers illégaux du grand Caire. Confronté dans les années 70 à un exode rural massif, le pouvoir avait alors laissé se développer ces constructions faites de bric et de broc où vivent aujourd'hui près de 12 millions de Cairotes!

DJ Weeza :
Les médias nous ont toujours ignoré. Ils ne s’intéressaient pas aux gens d’en bas. Personne ne se mettait à notre place, personne ne nous donnait la parole. On disait toujours : "Tout va bien. Tout le monde est prospère". Il n’y avait pas d’autre info qui sortait. De leur point de vue, nous, on n’existe pas. À ces gens-là, je veux dire qu'on est là et qu'ici, il y a des gens bien, avec des valeurs saines, capables de faire de grandes choses.



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Islam Chipsy
Convoité par les promoteurs immobiliers, le quartier d'Imbaba a été investi dès les années 90 par la Gamaa Islamiya, le mouvement islamiste radical qui a occupé la place laissée vacante par l’Etat. Loin du tumulte, Islam Chipsy, l’une des étoiles montantes de l’électro chaabi, a installé son QG sur les toits du bidonville, près du pigeonnier de son ami Qaram.

Dans les quartiers populaires, le mariage est une obligation religieuse, la condition sine qua non pour vivre avec celle qu’on aime et quitter sa famille. Avec la crise économique et la montée du chômage, les Egyptiens se marient de plus en plus tard. Galères de fric et histoires d’amour contrariées nourrissent les tubes de l’électro chaabi.

Islam Chipsy : Les chansons parlent de nos conditions de vie mais aussi de la drogue, de l’alcool, des petits mensonges au quotidien… En fait, on parle de tous les problèmes de la jeunesse dans les quartiers populaires.



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Le 25 janvier 2011, deux semaines après la chute de la dictature tunisienne, l’Egypte s’embrase. Lancé sur Facebook, l’appel à manifester rassemble des millions d’Egyptiens qui descendent dans la rue pour demander un changement de régime. Les marches pacifiques sont violemment réprimées par la police anti-émeutes qui tire sur les manifestants à balles réelles.

Le vendredi 28 janvier, après une bataille de plus de dix heures sur le pont de Kasr el Nil, les manifestants prennent la Place Tahrir, au cœur du Caire. Ils vont y camper jour et nuit jusqu’au départ de Moubarak, le 11 février. Parmi eux, la nébuleuse islamiste, des frères musulmans, jouant le jeu démocratique, aux salafistes les plus radicaux, compte bien jouer un rôle dans la nouvelle Egypte. En attendant, c'est l'armée qui contrôle le pays jusqu'aux élections.

Dans les quartiers populaires, les islamistes sont implantés depuis longtemps. Leur credo : réduire la pratique de l’islam à une série d’interdictions et de devoirs, ne pas vendre et ne pas consommer d’alcool, bannir la mixité, imposer le voile et la prière.




DJ Shetha
L'une des plus grandes stars de l’électro chaabi, il est comme un poisson dans l'eau dans son quartier de Matariya, dans la banlieue du Caire. On compte ici plus de 500 000 habitants, mais tout le monde semble le connaître !

Shehta : C’est toujours un peu les mêmes paroles qui reviennent, on parle de ce qui est interdit : fumer du kif, boire de la bière. Ici on n’a pas peur des autorités. Finalement, on a peur que d’une seule chose : le jour où on se fera choper.


Source : http://www.arte.tv/fr/Electro-Chaabi--- … 92604.html

mayaBZH · Membre +

10-02-12 00:03:42

14-07-11 · 641

  

jaime

guits39 · Bass Explorer

21-08-12 14:31:02

20-08-12 · 76

  

super reportage !!!!!

Va savoir ! , Guits live

lapin · Administrateur

08-10-14 21:57:29

11-07-11 · 13 872

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Chipsy, prophète de l’electro-chaabi


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Figure montante de ce genre en plein essor depuis la révolution de 2011, le musicien jouera pour la première fois en France en décembre, aux Transmusicales.




C’est un vendredi après-midi, dans la moiteur persistante du Caire à la fin de l’été. Dans le quartier d’Imbaba, les imitations Vespa croisent des charrettes tirées par des ânes émaciés. Dans les entrailles de la petite ville, au pied d’immenses immeubles en briquettes rouges, des youyous et des éclats de rires sont couverts par une musique psychédélique.

Au détour d’une ruelle, c’est une explosion de couleurs. Il suffit de lever la tête : suspendues aux fenêtres où des jeunes femmes se pressent, des dizaines de couvertures tapissent le ciel de couleurs tendres. C’est derrière l’un de ces rideaux, sur une estrade en bois de plusieurs mètres, que les regards aguicheurs des demoiselles se portent. Il est 15 heures, Imbaba fête ce qu’on appelle «la cérémonie du mobilier» précédant les noces de futurs mariés.

Mais ce banal bal populaire se transforme vite en teknival déjanté sous les coups de clavier déchaînés d’Islam Said, alias Chipsy. Il est né ici, avant de devenir une figure du mouvement musical electro-chaabi, une frénésie lancée pour dynamiter les mariages en mêlant techno acide et chant revendicatif, qui a explosé en même temps que la révolution égyptienne de 2011 (lire ici). Islam Chipsy a sorti un album il y a quelques semaines, Live at the Cairo High Cinema Institute, et se produira pour la première fois en France aux Transmusicales de Rennes, en décembre. «Islam c’est une expérience, une véritable claque», avait prévenu l’un de ses proches. Dans le mille. On se la prend en pleine face. La musique d’Islam Chipsy désoriente au sens propre. Elle submerge et secoue. C’est abrasif, bruyant. C’est l’Egypte poussée à l’extrême. Le synthé, les percussions et la basse s’entrechoquent et éclatent dans les tympans comme du pop-corn. Les lignes de la mélodie, le timbre et le tempo dessinent une silhouette musicale amorphe. Chipsy jubile, il caresse furieusement son synthé, le frappe comme un derbouka (c’est devenu sa signature), l’effleure, l’essuie, dans une transe maniaque pleine de frénésie créant autour de lui une sorte de paysage ludique. Les baffles crachent une masse informe métallique, mélange de musique ethnique, d’electro de grosse facture et de larsen. En cercle, des femmes roulent leurs hanches et tournoient leurs mains dans les airs, une odeur de fleurs blanches flottent dans l’atmosphère (du spray aspergé çà et là) .

«L’objectif, c’est de faire perdre le contrôle aux gens, avait annoncé Chipsy. Je veux qu’ils basculent dans un autre monde en écoutant ma musique, qu’ils deviennent fous, comme s’ils avaient pris un truc!»





Dérives. Du haut des pigeonniers d’Imbaba, où il a écrit ses premières mélodies à 9 ans, jusqu’aux festivals haut de gamme égyptiens comme D-CAF, où le trentenaire s’est produit, Islam Chipsy s’est construit une réputation de superstar «inclassable» de l’electro-chaabi. Dans sa musique à lui, pas de mahraganat (lire page suivante) ni de paroles violentes. «Un peu trop facile», dit-il, en se moquant des labels qui veulent faire croire que la révolution de 2011 a lancé l’âge d’or du chaabi. «Depuis trois ans, tout le monde se revendique comme la BO de la révolution. Ma musique à moi existe depuis 2006.» Il avance que la parole libérée par la chute du président Hosni Moubarak a surtout encouragé les dérives de langage dans la scène musicale. «Parfois injustes et souvent vulgaires» : Islam Chipsy avoue ne pas se reconnaître dans les textes insultants parlant de sexe et d’alcool de certains de ses amis, et s’est éloigné des MC qui empruntent leur verve au gangsta rap.

Dans une société égyptienne en repli, où les révolutionnaires sont progressivement devenus «cette jeunesse anarchique sans principe», lui fait son bout de chemin, avec ses références classiques et son beat qui se suffit à lui-même, sans autre revendication que la bonne musique. «J’ai grandi avec les chansons d’Amr Diab, Oum Kalsoum et la musique soufie. Mon modèle, c’était mon frère», Amr Saïd, un chanteur égyptien traditionnel de plus de quinze ans son aîné. Derrière son Yamaha PSR OR-700, accompagné de deux percussionnistes, il a, quand il joue, ce petit quelque chose de Magdy el-Husseiny, la star de la variété des années 60, qu’on aurait plongé dans une bouteille d’Orangina.




Mais alors, l’electro-chaabi n’a pas le tampon «révolution» qu’on essaie de lui estampiller ? «Le chaabi s’est nourri de la révolution politique, mais ce sont les mœurs qu’il contribue à changer», répond le musicien. Si, dans les mariages qui l’ont fait connaître, la division stricte entre hommes et femmes perdure, Islam Chipsy joue aujourd’hui plus volontiers dans les salles où la jeunesse des deux sexes se mêle. «C’est une musique à laquelle hommes et femmes sont réceptifs. L’electro-chaabi dispose d’une latitude très importante. Ce partage peut contribuer à faire évoluer notre société», explique-t-il. Jusque dans certaines salles de concerts réservées à une élite, où sa notoriété le conduit désormais, en guest des soirées privées du Swiss Club, un bar branché non loin des pyramides de Gizeh, où se côtoient expats, journaleux et intellos. Preuve que son style a le potentiel de rendre dingue tout le monde, au-delà des frontières du pays.



Supersonique. En revanche, mieux vaut ne pas le rechercher sur YouTube : «L’écouter en ligne ou en studio ne lui rend pas hommage», prévient Hicham Chadly, chasseur de talent du label Nashazphone, qui a publié Chipsy. Islam est un performeur, un type de la scène qui improvise ses beats. Il déconstruit entièrement la sphère sonore chaabi typique, la fait muter. Sa musique est martelante, ses sets d’une répétitivité éhontée et déroutante. Les mélodies vont et viennent, se tordent et se brisent dans une boucle infinie.




A juste titre, la presse égyptienne raconte qu’un concert d’Islam, c’est comme rester coincé dans un niveau de Super Mario avec des tambours polyrythmiques lancés sur un tempo de 130 BPM. «La musique de percussion est une révolution», disait John Cage. Si c’est le cas, alors le bang supersonique d’Islam Chipsy est un véritable organisme de révolte musicale. Selon Chadly, il aurait dépassé le périmètre même de l’electro-chaabi et serait un continent à part, «à la fois plus traditionnel et totalement lunaire».

Après des années d’assignation à résidence pour avoir refusé d’accomplir son service militaire, Islam Chipsy et ses shoots musicaux vont donc enfin sortir des frontières de l’Egypte tourmentée pour venir mettre le boucan en Europe cet hiver.

Islam Chipsy En concert en décembre dans le cadre des 36es Rencontres Transmusicales de Rennes (35). Rens. : www.lestrans.com



Jenna LE BRAS Correspondante au Caire pour Libération