Arte Tracks - Gros son chez Toutânkhamon - Electro Chaabi
Un reportage de Hind Meddeb
Il y a trois ans, telle la cavalerie, l'électro chaabi sonnait l'appel à la révolution. Rave party sur le Nil !
Perchée au dernier étage des Nile City Towers, tours jumelles de vingt-cinq étages, la jeunesse dorée égyptienne se la coule douce. Au club Tamaraï, les clients claquent l'équivalent d'un mois de salaire moyen égyptien entre deux whisky coca.
À quelques kilomètres de là, pas besoin d'avoir un portefeuille bien garni pour danser. À Saida Zeineb, le quartier historique du Caire, la jeunesse des classes populaires revit l'âge d'or des raves parties.
DJ Weeza
Pionnier de l'électro chaabi, "l'éléctro populaire" en VF, il customise depuis trois ans la musique traditionnelle chaabi à coup de BPM fracassants et de freestyles scandés par les rappeurs du quartier.
DJ Weeza fait partie de ces millions d'Egyptiens laissés sur le bas-côté sous le régime du président Moubarak. Il a grandi dans l'un des soixante-dix-neuf quartiers illégaux du grand Caire. Confronté dans les années 70 à un exode rural massif, le pouvoir avait alors laissé se développer ces constructions faites de bric et de broc où vivent aujourd'hui près de 12 millions de Cairotes!
DJ Weeza :
Les médias nous ont toujours ignoré. Ils ne s’intéressaient pas aux gens d’en bas. Personne ne se mettait à notre place, personne ne nous donnait la parole. On disait toujours : "Tout va bien. Tout le monde est prospère". Il n’y avait pas d’autre info qui sortait. De leur point de vue, nous, on n’existe pas. À ces gens-là, je veux dire qu'on est là et qu'ici, il y a des gens bien, avec des valeurs saines, capables de faire de grandes choses.
Islam Chipsy
Convoité par les promoteurs immobiliers, le quartier d'Imbaba a été investi dès les années 90 par la Gamaa Islamiya, le mouvement islamiste radical qui a occupé la place laissée vacante par l’Etat. Loin du tumulte, Islam Chipsy, l’une des étoiles montantes de l’électro chaabi, a installé son QG sur les toits du bidonville, près du pigeonnier de son ami Qaram.
Dans les quartiers populaires, le mariage est une obligation religieuse, la condition sine qua non pour vivre avec celle qu’on aime et quitter sa famille. Avec la crise économique et la montée du chômage, les Egyptiens se marient de plus en plus tard. Galères de fric et histoires d’amour contrariées nourrissent les tubes de l’électro chaabi.
Islam Chipsy : Les chansons parlent de nos conditions de vie mais aussi de la drogue, de l’alcool, des petits mensonges au quotidien… En fait, on parle de tous les problèmes de la jeunesse dans les quartiers populaires.
Le 25 janvier 2011, deux semaines après la chute de la dictature tunisienne, l’Egypte s’embrase. Lancé sur Facebook, l’appel à manifester rassemble des millions d’Egyptiens qui descendent dans la rue pour demander un changement de régime. Les marches pacifiques sont violemment réprimées par la police anti-émeutes qui tire sur les manifestants à balles réelles.
Le vendredi 28 janvier, après une bataille de plus de dix heures sur le pont de Kasr el Nil, les manifestants prennent la Place Tahrir, au cœur du Caire. Ils vont y camper jour et nuit jusqu’au départ de Moubarak, le 11 février. Parmi eux, la nébuleuse islamiste, des frères musulmans, jouant le jeu démocratique, aux salafistes les plus radicaux, compte bien jouer un rôle dans la nouvelle Egypte. En attendant, c'est l'armée qui contrôle le pays jusqu'aux élections.
Dans les quartiers populaires, les islamistes sont implantés depuis longtemps. Leur credo : réduire la pratique de l’islam à une série d’interdictions et de devoirs, ne pas vendre et ne pas consommer d’alcool, bannir la mixité, imposer le voile et la prière.
DJ Shetha
L'une des plus grandes stars de l’électro chaabi, il est comme un poisson dans l'eau dans son quartier de Matariya, dans la banlieue du Caire. On compte ici plus de 500 000 habitants, mais tout le monde semble le connaître !
Shehta : C’est toujours un peu les mêmes paroles qui reviennent, on parle de ce qui est interdit : fumer du kif, boire de la bière. Ici on n’a pas peur des autorités. Finalement, on a peur que d’une seule chose : le jour où on se fera choper.
Source : http://www.arte.tv/fr/Electro-Chaabi--- … 92604.html