Bonjour, Invité · Connexion · Inscription
Pages : 1

lapin · Administrateur

11-06-13 12:33:45

11-07-11 · 13 887

  81 

Rassemblements festifs et ordre public


 

ravi_moix_free.jpg



Il a souvent été demandé l'ouverture d'une section regroupant les textes de lois régissant l'univers des Free Party et autres soirées festives, voici donc un bon condensé via ce Rapport daté d'octobre 2012 et censée étudier les événements festifs d'ampleurs. N'hésitez pas à rendre cet article plus complet encore si vous le souhaitez.

1. LE CONTRÔLE DES ÉVÈNEMENTS FESTIFS D'AMPLEUR



Les pouvoirs publics ont développé un cadre juridique spécifique pour les évènements présentant, de par le nombre de participants ou les conséquences engendrées, un risque élevé de troubles à l'ordre public. L'exemple emblématique en est les « rave parties » dont l'encadrement législatif, adopté en 2001, les soumet à une procédure de déclaration. La récurrence d'évènements d'ampleur sur la voie publique, impliquant une forte consommation d'alcool par de jeunes adultes, a conduit à s'interroger sur l'extension de ce dispositif à de nouvelles formes de rassemblement.


Le régime juridique des rave- parties : à situation exceptionnelle, dispositif dérogatoire.



a) La rave party : de la clandestinité au choix de l'encadrement légal



En plein essor au cours des années 1990, les « rave parties » ou « free parties »10(*) sont une forme de rassemblements, généralement de jeunes adultes, situés en plein air et dédiés à l'écoute de la musique techno. Ces fêtes sont connues pour la forte consommation d'alcools et de stupéfiants qu'elles entraînent parmi les participants, occasionnant parfois des décès ou des incidents sanitaires graves.

Dès l'origine, les réactions et les critiques ne manquaient pas contre les rave- parties, peu connues pour leur respect de l'environnement immédiat. Les plaintes des riverains étaient nombreuses en raison des troubles à l'ordre public que ces rave-parties ne manquaient pas de provoquer à proximité de l'évènement, qu'ils soient liés à la consommation excessive d'alcool et de stupéfiants ou à la gêne occasionnée par le niveau sonore de la musique diffusée, se concrétisant souvent par la dégradation des propriétés occupées mais aussi par des incidents au sein de la manifestation.

Leur déroulement reposait sur un principe de gratuité, ou en tout état de cause de contribution volontaire ; cette caractéristique qui a fait son succès auprès des jeunes la distingue du concert. Le lieu choisi pour l'organisation était généralement tardivement dévoilé afin d'assurer sa clandestinité, le rassemblement se déroulant à l'insu des pouvoirs publics et des propriétaires des terrains sur lesquels l'évènement avait lieu. Ces caractéristiques se sont progressivement atténuées puisque l'organisation de rave- parties a impliqué une transmission en amont du lieu de la rave party et un meilleur encadrement de ces évènements (forces de sécurité, équipes sanitaires et de secours, etc.) représentant un coût supplémentaire au financement duquel les participants prennent partiellement part.

Avant 2001, pour prévenir les débordements, le maire avait la faculté d'intervenir au titre de ses pouvoirs de police, notamment de ceux qu'il tirait de la police des spectacles. Sur ce fondement, un arrêté municipal pouvait restreindre ou interdire la manifestation si l'ordre public ne pouvait être maintenu en l'absence de personnel suffisant de la part des forces de l'ordre ou si des risques pesaient sur la sécurité des participants 11(*).

Face à ces rassemblements, les élus locaux se sentaient toutefois voire se sentent toujours démunis. En particulier, les maires, très souvent de petites communes rurales, ne pouvaient, face à l'annonce tardive d'une rave party sur le territoire de leur commune, que réagir à la hauteur de leurs moyens. Prenant des arrêtés d'interdiction du rassemblement, ils étaient dans l'incapacité d'en assurer l'effectivité à défaut de disposer des moyens humains suffisants. Condamnés à n'être, malgré la forte sollicitation de la population, que des spectateurs désabusés de ce rassemblement, les maires devaient s'en remettre à une intervention des services de l'État.

Face à cette situation, le législateur a modifié, en 2001, le régime juridique de ces évènements pour mieux l'adapter à la réalité du phénomène 12(*). Les rave parties sont désormais régies par les articles L. 211-5 à L. 211-8 du code de la sécurité intérieure, complétés sur le plan réglementaire par le décret n° 2002-887 du 3 mai 2002. Ce régime spécifiquement créé pour « les rassemblements [...] exclusivement festifs à caractère musical, organisés par des personnes privées dans des espaces qui ne sont pas au préalable aménagés à cette fin, lorsqu'ils [...] donnent lieu à diffusion de musique amplifiée » est indéniablement empreint de pragmatisme. A cet égard, il tire les conclusions de l'échec du dispositif préexistant qui conduisait à ce que 90 % des rave- parties ne soient pas déclarées aux autorités administratives. Là où le Royaume-Uni a décidé en 1994 l'interdiction des rassemblements de plus de dix personnes pour écouter de la musique répétitive, le législateur français a finalement opté pour un régime de déclaration auprès du représentant de l'État qui reprend ainsi la main sur l'encadrement des rave- parties.

b) Un contrôle des services de l'État grâce à la déclaration préalable de la rave party



(1) La procédure de déclaration préalable d'une rave party par l'organisateur



Le décret du 3 mai 2002 13(*) détaille les formalités auxquelles doivent se soumettre les organisateurs de ce type d'évènements. La procédure repose sur une déclaration, au moins un mois avant l'évènement, et qui débouche, si les conditions d'organisation sont jugées suffisantes, sur la remise d'un récépissé. Lors du dépôt de cette déclaration, doivent ainsi être fournies au préfet l'identité et les coordonnées de l'organisateur, ce qui permet de prendre contact au besoin avec l'organisateur, les mesures pour assurer la sécurité et l'accord écrit des propriétaires des terrains où se déroulera la fête.

L'identification d'un organisateur rappelle qu'à aucun moment, la charge de l'organisation n'a vocation à être transféré aux pouvoirs publics. L'autorité administrative veille uniquement à ce que ces formalités soient remplies. Dans les faits, les services de l'État sont conduits à accompagner, même officieusement, l'organisation de l'évènement dans la mesure où ils doivent prévoir les effectifs suffisants pour l'encadrer sur le plan de la sécurité (forces de l'ordre, sapeurs-pompiers, secours...). Ce trait est d'autant plus marqué lorsque le préfet ne juge pas les moyens annoncés par l'organisateur comme suffisants et qu'il entre alors, comme l'y autorise la loi, dans une négociation qui doit aboutir au moins huit jours avant le début de l'évènement. Cette consécration d'une coopération officieuse en matière d'ordre public est la bienvenue en ce qu'elle répond au souhait du législateur de rendre possible les rave- parties dans les meilleures conditions possibles, l'interdiction pure et simple n'ayant pas montré son efficacité par le passé.

(2) La compétence et la responsabilité du représentant de l'État



Contrairement à la situation prévalant antérieurement à 2001, c'est le représentant de l'État qui détient les pouvoirs de police pour règlementer les rave- parties. Ce pouvoir de police spéciale du préfet est d'ailleurs exclusif de ceux détenus par le maire. Cette solution qui apparaît particulièrement opportune est logique à plusieurs titres.

Elle permet, d'une part, une appréhension de l'évènement au niveau départemental et non plus communal. Cet élargissement du ressort territorial était souhaitable tant, jusqu'à la dernière minute, ces évènements peuvent se révéler mobiles quant à leur localisation géographique. L'échelle départementale offre aussi une plus grande latitude à l'autorité administrative qui peut, lors d'une négociation, envisager une autre implantation plus propice à ce genre de fêtes. Enfin, ce changement d'échelle est d'autant plus cohérent que les rave-parties ont des effets, ne seraient-ce que sonores, qui excèdent souvent les limites communales.

Ce transfert vers le préfet est, d'autre part, cohérent avec le constat d'inefficacité dressé à l'égard du précédent système qui prévoyait une déclaration en mairie. Cet échec ne relève pas de l'absence de volonté des élus locaux mais de leur manque de moyens notamment pour les plus petites communes afin de faire respecter les prescriptions qu'ils pouvaient adopter. Dans tous les cas, le maire devait solliciter un soutien logistique et humain du préfet. Il était donc plus logique de confier la réception et l'examen de la déclaration directement au représentant de l'État dans le département.

Enfin, ce pouvoir de police spéciale apparaît comme le corollaire de la responsabilité de l'État pour les dommages résultant d'un attroupement14(*), ce qui suppose que dans un lieu public ou privé, un groupe de personnes commettent des crimes ou délits à force ouverte ou de violence. La réalisation, lors d'une rave party, de dégradations sur les terrains occupés, au surplus illégalement, suffit à la jurisprudence pour engager la responsabilité de l'État. Il apparaît donc plus cohérent qu'en parallèle de la responsabilité de l'État, le préfet dispose des pouvoirs d'une police spéciale.

Les premières applications positives de la loi se sont fait attendre puisque c'est seulement en mai 2003 à Marigny qu'a pu, sous l'empire de cette nouvelle législation, se tenir la première rave party « officielle » grâce au volontarisme du gouvernement de l'époque. Ce régime de déclaration préalable qui confine pour une partie des observateurs à un régime d'autorisation15 (*), a démontré son efficacité pour les rassemblements d'importance auxquels il est depuis l'origine destiné, essentiellement les teknival. Ainsi, dès 2006, le seuil de 250 participants à partir duquel une déclaration est rendue obligatoire a été relevé par décret16(*) à 500 personnes pour mieux cibler les évènements qui préoccupaient les pouvoirs publics. Dans son rapport au Premier ministre, M. Jean-Louis Dumont, député, proposait même de rehausser ce seuil à 900 personnes.



Amendement Mariani @ 4m08



2. Le maintien des règles relatives à l'organisation de manifestations d'ampleur



Dans son rapport au Premier ministre, le député Jean-Louis Dumont, rappelait, à l'appui de ses propositions, que les rave-parties, quel que soit le nombre de participants, « restent soumises à toutes les autres législations régulant les droits du travail, de la musique, de la propriété ou de la santé publique ». Ce rappel vaut pour l'ensemble des rassemblements sur l'espace public. L'absence de dispositif de déclaration préalable n'équivaut pas à une absence de règles. Pour mémoire, peuvent être citées les obligations les plus notables qui pèsent sur les organisateurs de soirée.

D'une part, les organisateurs sont tenus à une obligation d'assurance civile qui doit permettre de couvrir les dommages provoqués lors de toute manifestation festive, culturelle, sportive ou d'animation sur la voie publique,. L'organisateur peut en effet être considéré civilement responsable pour des faits portant sur la sécurité des personnels désignés pour l'organisation, le déroulement de cette manifestation, des acteurs et animateurs qui y participent mais aussi du public qui y assiste ou encore des éventuels ouvrages publics.

D'autre part, les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif doivent assurer un service d'ordre lorsque l'objet ou l'importance de cette manifestation le justifie (article L. 221-11 du code de la sécurité intérieure). Aussi, la faculté du préfet d'imposer un service d'ordre après déclaration d'une rave party existe également dans le droit commun des rassemblements festifs à titre lucratif.

Enfin, les cortèges, défilés et rassemblements de personnes ainsi que toutes manifestations sur la voie publique, à l'exception des sorties sur la voie publique conforme à des usages locaux, sont soumises à une déclaration préalable en mairie ou en préfecture pour les communes où est instituée une police d'État (Article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure). En cas de risque de troubles à l'ordre public ou de manifestation non déclarée, l'autorité de police peut alors interdire le port et le transport d'armes sans motif légitime pendant vingt-quatre heures avant et jusqu'à dispersion du rassemblement (article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure) voire interdire la manifestation (article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure ).

Les organisateurs sont donc soumis à un ensemble de règles particulièrement contraignantes pour l'organisation d'un rassemblement. Parallèlement, les autorités de police disposent, outre de leur pouvoir de police générale, de prérogatives substantielles pour encadrer les rassemblements qui ont lieu sur la voie publique.

Au regard du rappel des règles régissant les évènements festifs ou non dans l'espace public, vos rapporteurs constatent que la législation et la règlementation applicables se caractérisent plus par leur profusion que par leur insuffisance. Aussi, le cadre légal actuel est suffisant. Lors de son audition, M. Laurent Touvet, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur, a confirmé l'impression de vos rapporteurs, en indiquant que l'arsenal juridique existant donnait les moyens juridiques aux autorités de police d'intervenir.


Pour vos rapporteurs, la principale préoccupation tient davantage dans l'application des règles existantes et leur bonne connaissance par les personnes qui projettent l'organisation d'une fête sur la voie publique. C'est donc sur le terrain de la prévention et de la diffusion des règles que doivent se concentrer les efforts.


653636458_small.jpg


--------------------------------------------------------------------------------



* 10 Des distinctions sont parfois opérées, comme par le député Jean-Louis Dumont, dans son rapport rendu au Premier ministre en mai 2008, entre « rave party » définie comme un concert de musique techno légal et payant organisé par une association ou une entreprise et « free party », concert de musique techno sans organisateur professionnel ou rémunéré.

* 11 Pour un exemple : CAA Nantes, 31 juillet 2001, Société L'Othala Production.

* 12 L'article 53 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne a introduit un article 23-1 au sein de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.

* 13 La légalité de ce décret a été confirmée par le juge administratif (CE, 30 avril 2004, Association Technopol, n° 248460).

* 14 Article L. 221-10 du code de la sécurité intérieure.

* 15 Une partie des commentateurs, comme M. Jean-Christophe Videlin, estime que « le gouvernement a adopté, en réalité, une procédure proche de l'autorisation préalable » (AJDA 2004, p. 1070).

* 16 Décret n° 2006-334 modifiant le décret n° 2002-887 du 3 mai 2002 pris pour l'application de l'article 23-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 et relatif à certains rassemblements festifs à caractère musical.

* 17 Proposition de loi n° 421 de M. Jean-Pierre Vial et plusieurs de ses collègues, relative à la prévention et l'accompagnement pour l'organisation des soirées en lien avec le déroulement des études, déposée le 8 avril 2011.

* 18 Conclusions du commissaire du Gouvernement sur l'arrêt CE, 17 août 1917, Baldy.

* 19 Le rapport de M. Jean-Pierre Dumont indique que « selon les services de police, il y aurait 300 000 personnes qui fréquenteraient régulièrement les free parties et les teknivals » ; en regard, le nombre d'étudiants et de lycéens en France est près de dix fois supérieur.

* 20 Article L. 211-15 du code de la sécurité intérieure.


Source : Extrait de : Rassemblements festifs et ordre public( rapport d'information ) Par M. André REICHARDT et Mme Corinne BOUCHOUX du 31 octobre 2012

Nevrakse · Moderateur

12-06-13 07:46:54

16-10-11 · 4 285

  28 

Très bon topic ca,surtout en vu de ce qui se passe en ce moment ^^