Fête de la musique à Nantes : Charges, chutes et lacrymogènes
Violences policières contre un Sound system sur l’île de Nantes. Nombreux blessés, et 14 personnes repêchées dans la Loire. Témoignages.
Pour la fête de la musique, les autorités nantaises ont mis les grands moyens pour gâcher la soirée : nombreuses patrouilles, police municipale et BAC omniprésente dans des camions banalisés. Dès minuit, des stands sont verbalisés et quelques fêtards arrêtés. Tout est déjà en place pour faire monter inutilement les tensions.
Mais c'est sur l'île de Nantes que la situation manque de virer au drame. Comme l'an dernier, le long du quai Wilson, un Sound system diffuse de la musique techno. Les collectifs Pulson, Hornorm, Sihirbaz, Tribal et Cosmic Company sont de la partie. Gros succès au rendez-vous : des milliers de jeunes s'y retrouvent pour danser jusqu'au bout de la nuit. Mais c'est sans compter la répression aveugle qui frappe désormais tous les événements populaires. Vers 4H30 du matin, la police exige l'arrêt immédiat de la musique. Sans attendre, les forces de l'ordre gazent massivement, frappent, et jettent des grenades de désencerclement. Cette violence inattendue contre une foule majoritairement jeune et enivrée provoque un mouvement de foule très dangereux : de nombreux fêtards tombent dans la Loire !
Heureusement, des bateaux de sauveteurs patrouillent le long des quais, et parviennent à repêcher les personnes dans le fleuve. Selon les pompiers, pas moins de 14 personnes ont été secourues dans la Loire.
Nous avons recueilli plusieurs témoignages accablants.
Une fêtarde nous écrit : « On s'est fait gazer, matraquer, on nous a lancé des grenades de désencerclement à la fête de la musique. Apparemment les organisateurs n'ont pas coupé la musique assez vite ... 3 personnes à notre connaissance sont tombées dans l'eau. On s'est pris des grenades et des gaz au bord de la Loire. Tout le monde avait un coup dans le nez. C'était la cata ! »
Une personne, également présente sur les lieux raconte : « Ça c'est passé quand ils ont demandé de couper le son. Les organisateurs ont coupé, mais apparemment ils auraient fait chanter certaines personnes en remettant un peu de son. C'est la que ça serais parti. Il y a eu du gaz. Des personnes sont tombées à l'eau. […] Pour la suite je sais pas, mais pas mal de vedettes tournaient sur la Loire jusqu'à au moins 6H30 quand je suis parti. » Elle poursuit : « je crois que deux personnes se sont fait interpellées. Et un à été blessé à la tête par une lacrymogène. Perso je me suis fait agripper par un flic puis repousser en arrière parce-que j'étais trop près. "C'est encore un gaucho celui-là", le chef est venu et ma menacé de m'embarquer si je dégageais pas. »
Un de nos reporters qui se trouvait sur place confirme : « cette nuit, gazage, matraques et crânes en sang. Tirs de grenades de désencerclement et de LBD. Un mec a pris 4 ou 5 balles, j'en croyais pas mes yeux. Plusieurs personnes obligées de sauter dans la Loire, invraisemblable ! »
Enfin, un fêtard habitué des manifestations nantaises rapporte : « ce sont deux groupes du PSIG [Peloton de la Gendarmerie] qui sont arrivés appuyés par la BAC. Il y avait des CRS, des chiens … Ils ont gazé immédiatement et envoyé les chiens sur les gens. C'était vraiment sale, j'ai vu au moins 5 interpellations, des gens tabassés au sol. Au moins 15 camions de CRS sont arrivés. C'est débile de gazer juste à côté de la Loire, les gens étaient poussés par le gaz vers le fleuve. En plus il y avait des gens ''défoncés''. Forcément, des gens ont répliqué. Il y avait des rangées de LBD braqués sur les fêtards. J'ai vu des blessés par les tirs et les grenades. » Il conclut : « Même en manif je n'avais pas vu un tel déchaînement de violence gratuite. »
La presse rapporte également qu'un DJ a reçu un coup de taser alors qu'il mixait encore.
Un drame a donc été évité de justesse cette nuit à Nantes. Et selon tous les témoignages, c'est l'intervention violente et aveugle pour empêcher une simple fête de continuer qui semble être à l'origine de la mise en danger de milliers de personnes.
En France, toute expression de rue, militante ou festive, est désormais combattue par les autorités.
Source : Nantes Révoltée
Nantes : des personnes sont-elles tombées dans la Loire lors de l'intervention de la police le 21 juin ?
Sur le quai Président-Wilson à Nantes, la police est intervenue la nuit de la fête de la musique. Si des témoins font état d'un DJ refusant de couper le son, ou de jets de projectiles sur les forces de l'ordre, la plupart s'accordent sur la violence de l'intervention.
Bonjour,
Voici votre question, que nous avons modifiée : «Est-il vrai que les forces de l’ordre sont intervenues de manière très musclée à Nantes la nuit de la fête de la musique, faisant tomber des personnes dans la Loire ?» Vous faites sûrement référence aux articles des médias locaux Nantes révoltée, Ouest France et Presse Océan, racontant une fin de soirée mouvementée à Nantes (Loire-Atlantique), dans la nuit du 21 au 22 juin.
Pour la fête de la musique, dès la mi-journée, une petite dizaine de collectifs de DJ avaient planté leurs enceintes et leurs tentes sur le quai Président-Wilson, dans l’ouest de l’île de Nantes, entre un bras de la Loire et des entrepôts.
La journée et la soirée semblent bien se passer. Un bénévole accompagnant l’un des collectifs de DJ raconte à CheckNews : «Vers 22 ou 23 heures, la police est passée nous voir, pour nous dire qu’il faudrait couper le son vers 4 heures.» Un collectif de DJ qui mixait ce soir-là abonde : «La police est passée vers 22 h 30 pour nous dire qu’ils nous laissaient jusqu’à 4 heures du matin et qu’à partir de cette heure, on devrait couper.»
La préfecture de la Loire assure pour sa part à CheckNews que cet horaire avait été fixé en amont avec les organisateurs, pour l’ensemble de la ville.
Dernière musique
C’est au moment de couper le son que la situation s’est tendue. De sources concordantes, les policiers reviennent vers 4 heures du matin et tous les DJ ont accepté d’arrêter la musique… sauf un.
«Un sound system a dépassé un peu cet horaire en voulant mettre une dernière musique pour clôturer cette fête de la musique et pour remercier les gens venus s’amuser», raconte le collectif de DJ que nous avons interrogé.
«Petit à petit, tous les sound systems se sont arrêtés, poursuit le bénévole cité plus haut. Mais il y en a un qui a fait un appel au son.» C’est-à-dire qu’il a remonté le volume sonore après l’avoir baissé. Ce que corrobore un témoignage reçu par la page Facebook Nantes révoltée : «Les organisateurs ont coupé [la musique], mais apparemment ils auraient fait chanter certaines personnes en remettant un peu de son.»
Un organisateur du collectif des «Alberto Tek» présent ce soir-là explique à CheckNews : «Le dernier sound system a décidé de relancer le son, ce qui a énervé la police, qui était juste à côté, et remotivé au moins trois cents personnes à se rebeller contre les forces de l’ordre.»
Lacrymo et matraques
La préfecture assure de son côté que ce sont des jets de projectiles sur les policiers et des «prises à partie» par certains fêtards qui auraient justifié l’intervention qui a suivi.
Plusieurs témoins confirment le jet de projectiles. L’un d’entre eux nous écrit : «Evidemment il y a eu quelques rébellions (notamment des bouteilles ou des pierres lancées) et avec les effets de l’alcool, cela n’a forcément pas fait bon ménage.» Tout en précisant que selon lui, «les projectiles ont été jetés pendant l’intervention», et pas avant.
Une vidéo apparemment tournée sur le quai Wilson à «à peine 5 heures» et mise en ligne sur Facebook montre ce qui ressemble à un nuage de gaz lacrymogène et de nombreux véhicules avec des gyrophares en arrière-plan.
Une compilation de plusieurs vidéos postée le 23 juin par la page Facebook Nantes révoltée est éclairante sur la teneur de l’intervention. Elle montre de près la confusion de la situation : utilisation de sprays et de grenades lacrymogènes, présence de chiens et coups de matraques. Au moins une personne est frappée à terre, d’après ce document.
La préfecture ne confirme pas l’usage de lanceur de balle de défense (LBD) parfois évoqué en ligne (et les images de Nantes révoltée ne nous ont pas non plus permis de le constater avec certitude). Toutefois, les services de l’Etat dans le département admettent pudiquement un «contact un peu violent», normal selon eux dans le cadre d’une «opération de rétablissement de l’ordre». Celle-ci a été menée par la compagnie départementale d’intervention (CDI), et non par une CRS, comme on a parfois pu le lire en ligne.
Une dizaine de personnes dans la Loire
«Le quai Président-Wilson n’a pas de garde-corps, c’est vraiment inconscient d’utiliser ce genre de méthode contre des gens alcoolisés proches de la Loire», déplore le collectif de DJ cité plus haut. «Le truc que je reproche aux keufs, c’est d’avoir eu une réaction disproportionnée, ajoute le bénévole que nous avons contacté. On était là pour faire la fête, on était tous enivrés. Heureusement les pompiers étaient dans la Loire.»
Une certitude en effet : plusieurs personnes ont bien fini à l’eau. «Dix personnes», selon la préfecture, ont sauté dans la Loire pour éviter les policiers – selon Ouest France, les pompiers ont secouru «quatorze personnes».
La majorité des témoins présents – et même si certains pointent la responsabilité des DJ qui n’ont pas arrêté la musique comme le demandait la police – reprochent aux forces de l’ordre la violence de leur intervention, faisant état de blessés légers. Presse Océan écrit que six personnes ont été transportées au CHU, dont deux policiers. La préfecture de Loire-Atlantique assure pour sa part ne pas avoir de bilan de cette intervention.
Source : liberation